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Gilles Babinet : Pourquoi suis-je devenu pro-nucléaire ?

Pourquoi suis-je devenu pro-nucléaire ?

Entendons-nous : je ne l’ai pas toujours été. Venant du monde digital, j’ai d’abord pensé que les smartgrids, dont j’entendais tant parler dans le monde numérique, allaient permettre de créer un nouveau paradigme énergétique : maîtriser la demande et ainsi résoudre l’handicap majeur des énergies renouvelables qu’est leur intermittence. Car, si le vent et le soleil ne peuvent pas être disponibles à la demande (en langage technique on dit qu’ils ne sont pas pilotables), on peut logiquement en conclure qu'il convient alors de contrôler la consommation d'électricité. En théorie, c’est possible. Cela fait cinquante ans qu'EDF a inventé les tarifs bleus, une offre à tarif préférentiel qui induit que, durant de courtes périodes de fortes demandes, le prix de l’énergie devient plus élevé. Pour éviter d’avoir les yeux rivés sur son horloge, EDF a développé un dispositif qui pilote les équipements les plus voraces en électricité1.  On pourrait imaginer étendre ce dispositif à l’ensemble des appareils domestiques, en réduisant leur puissance de certains et en éteignant les autres, en fonction du type d'usage.

Il y a de longues années, j’avais eu des échanges avec différents protagonistes des scénarios alternatifs, dont Negawatt, pour essayer de mieux comprendre leurs scénarios et, avec mon expérience numérique, essayer de voir comment la technologie numérique pourrait accroître la résilience du réseau.
J’ai commencé à avoir de sérieux doutes en 2015, en participant à une conférence à Barcelone, le “Smart City Expo World Congress” où j’étais invité à m’exprimer. A cette occasion j’avais pu mieux approcher ce qu’était l’état de l’art de ces modèles énergétiques alternatifs, dont le pilotage de la demande. 

Ma conclusion d’alors, qui n’a fait que se renforcer depuis, c’est que cela ne fonctionne tout simplement pas.

L’énergie solaire ou éolienne n’est pas aussi neutre sur l’environnement que l’on veut bien le dire et - c’est son principal inconvénient -, elle n’est pas pilotable. Ce qui signifie qu’à chaque fois qu’il n’y a ni vent ni soleil, il faut aller chercher cette énergie ailleurs, nécessitant de décupler les systèmes de production ou la stocker à des prix qui ne seront pas compétitifs. La conséquence est assez simple à résumer : l’Allemagne, qui a déjà investi des centaines de milliards dans la transition énergétique à base d'énergies renouvelables produit son électricité à près de 500 g CO2/kWh produit, soit environ 9 fois plus que la France ; et aucun scénario ne permet à court ou moyen terme d’envisager qu’ils puissent produire une électricité qui soit réellement en dessous des 100 g/kWh. 

Je sais que ces propos sont polémiques, et j’aurais l’occasion d’y revenir en longueur ici et aucun sujet ne sera épargné : les morts du nucléaires? (insignifiants, même avec Tchernobyl et Fukushima), les déchets (un cube de 12m de côté pour ceux à haute activité et avec le projet d’être enfouis à 500 m sous terre dans des couches argileuses extrêmements stables), les risques d’approvisionnement de l’uranium (insignifiant : il y a plusieurs années de stock sur le sol national et les réserves connus ne font que croître), etc. 

Un dernier mot. Ce qui me motive en premier lieu c’est ma conviction environnementale. Ma conviction que le nucléaire est bon pour le climat, ce que rappelle d’ailleurs le rapport du GIEC. Mais aussi par conviction que les ENR sont une catastrophe pour un pays comme la France qui a des dizaines d’années d’avance sur le reste du monde en termes de décarbonation de son électricité. Nous jetons tout simplement notre argent par la fenêtre pour une solution qui est nettement plus mauvaise (plus de C02, moins de résilience, une très forte emprise au sol…) que celle qui préexiste, quoi qu'en prétendent certains personnages ayant autorité sur le sujet. Il est temps de réagir et nous pouvons tous le faire en donnant un signal clair : en demandant à bénéficier d’une énergie garantie d’origine nucléaire.
 

Notes

1. Techniquement, une information basse fréquence (700hz) est diffusée sur le réseau électrique, ce qui va automatiquement arrêter ballons d’eau chaude et autres, durant ces courtes périodes où le réseau est particulièrement sollicité. Par extension, beaucoup d'appareils électriques  pourraient également être modulés en fonction de la demande : machines à laver, climatiseurs et chauffages centraux des logements bien isolés, et même petit équipements comme des chargeurs, des éclairages, que l’on ne couperait pas mais dont on réduirait la puissance. Dans le monde professionnel, on demande déjà aux gros consommateurs énergétiques de réduire leur empreinte sur le réseau les jours de grands froids.


Ecrit par Gilles Babinet
Associé-fondateur

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